Notre connaissance de Chardin est largement tributaire des appréciations dithyrambiques de ses contemporains, Diderot, Cochin, Mariette…, plus que du peintre lui-même. Non que la part de notre siècle soit négligeable : la délimitation de l’œuvre autographe et une chronologie fiable sont l’indispensable fondement de travaux ultérieurs. Au premier rang de nos moyens spécifiques d’investigation, le recul historique, en exposant l’œuvre dans sa presque totalité, est de nature à combattre certaines idées reçues : l’image trop contrôlée, monolithique et très consensuelle que l’artiste a voulu donner de lui-même n’en sera pas tant altérée que nuancée et enrichie. Faire ressortir des constantes indiscernables des visiteurs des Salons, voire d’insolubles contradictions ; ne pas ménager la légende, afin d’approcher de l’énigme, telle est l’ambition de cet ouvrage. Nul doute que l’artiste et l’homme n’en sortent grandis ; que les limites et les échecs de celui-ci, son humanité en somme, ne soient la clé du sublime atteint par celui-là.